Douleur chronique : comment préserver ses habitudes de vie

Rond pointillé cyan NeuroMotrix
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Dans notre premier article, nous avons vu que la douleur chronique ne se limite pas à un symptôme physique, mais correspond à une expérience physiologique complexe, influencée par des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux. Dans le deuxième, nous avons exploré les différentes options de prise en charge, allant des traitements pharmacologiques aux approches multidisciplinaires. Si ces lectures remontent à un certain temps ou si vous n’avez pas encore eu l’occasion de les consulter, nous vous invitons à le faire.

Comprendre sa condition de santé est une étape essentielle pour progresser, mais l’information théorique, à elle seule, ne suffit pas toujours à passer à l’action. Pour de nombreuses personnes vivant avec une douleur chronique, le véritable défi consiste à changer des habitudes de vie pour en adopter des plus favorables, et ce malgré la douleur1. Si vous vous reconnaissez dans cette situation, sachez qu’il s’agit d’un enjeu fréquent et exigeant, qui se construit progressivement. Dans ce dernier article de la trilogie, nous nous intéressons donc aux facteurs susceptibles de soutenir des changements durables.

Savoir pourquoi c’est important

Les habitudes de vie (activité physique, sommeil, alimentation et gestion du stress) ne font pas disparaître la douleur chronique. Elles jouent toutefois un rôle déterminant dans l’amélioration de la qualité de vie, la réduction de l’impact fonctionnel de la douleur et le maintien de l’autonomie au quotidien.

Les données scientifiques montrent notamment que l’activité physique peut contribuer à diminuer l’intensité de la douleur, améliorer la mobilité et renforcer la confiance envers ses capacités fonctionnelles. Certaines approches, comme le Pilates, la méthode McKenzie ou les exercices de flexibilité, présentent des résultats intéressants chez certaines populations2. Cela dit, au-delà du type précis d’activité, c’est surtout la régularité de la pratique qui influence les bénéfices observés. Nous y reviendrons plus loin.

Se questionner sur sa motivation

Pourquoi bouger? Pourquoi persévérer malgré les obstacles? La motivation constitue un facteur central dans l’adoption et le maintien des habitudes de vie. Les recherches indiquent que les personnes qui trouvent un sens personnel à leurs actions (plaisir, sentiment d’autonomie, cohérence avec leurs valeurs ou leurs objectifs de vie) sont plus susceptibles de maintenir leurs efforts à long terme.

À l’inverse, lorsque la motivation repose principalement sur des pressions externes (par exemple, répondre à une recommandation médicale sans adhésion personnelle), l’engagement tend à être plus fragile3. Prendre le temps d’identifier ce qui nous motive réellement devient donc une étape clé.

Quelques questions pour amorcer la réflexion :

  • Quelle activité aimerais-je reprendre si la douleur occupait moins de place?
  • Quelles qualités ou facettes de moi-même la douleur limite-t-elle actuellement?
  • Avec qui ou dans quelles situations la douleur restreint-elle mes moments de qualité?
  • Quelles activités me procurent du bien-être ou du plaisir, même à petite dose?

La motivation n’est pas une source d’inspiration soudaine; elle se construit par des actions concrètes orientées vers un objectif porteur de sens4

Surmonter les peurs et croyances limitantes

Vivre avec une douleur chronique s’accompagne fréquemment de kinésiophobie, soit la peur de bouger par crainte d’aggraver la douleur ou de provoquer une blessure5. Ce phénomène est courant et compréhensible. Toutefois, l’évitement du mouvement entraîne un déconditionnement progressif du système neuromusculaire et une diminution des capacités physiques. Ce processus contribue à maintenir, voire amplifier, la douleur et augmente le risque de blessures. Le cercle vicieux de la kinésiophobie s’installe alors.

Il est toutefois possible d’interrompre ce cercle et de le transformer en cercle vertueux. La première étape consiste à comprendre que la douleur n’est pas toujours le reflet d’un dommage tissulaire actif. La seconde repose sur le choix de mouvements progressifs, sécuritaires et adaptés à la condition, aux capacités et au contexte de la personne. L’accompagnement par des professionnels de la santé a d’ailleurs démontré son efficacité pour réduire les craintes et favoriser la constance. Une meilleure condition physique contribue alors à une diminution de la douleur, renforçant la confiance et l’engagement.

Adapter les stratégies aux fluctuations de la douleur

Toute personne vivant avec une douleur chronique sait que celle-ci fluctue d’un jour à l’autre. Ces variations rendent parfois difficile la planification et peuvent miner la motivation lorsqu’on ne parvient pas à reproduire ce qui était possible la veille.

Plutôt que d’abandonner, il est plus efficace d’ajuster ses stratégies :

  • Diminuer la durée ou l’intensité d’une activité plutôt que de l’interrompre complètement. Par exemple, remplacer une marche de 5 km sur terrain accidenté par une marche de 1 ou 2 km sur terrain plat.
  • Fractionner un objectif en sous-objectifs réalistes. Si marcher 30 minutes d’un seul bloc est trop exigeant, trois périodes de 10 minutes peuvent être une alternative valable.
  • Varier les types d’activités selon l’état du jour. Lors des journées plus difficiles, des activités douces comme le tai-chi, le yoga sur chaise ou la marche lente peuvent être privilégiées. Les journées plus favorables peuvent permettre une intensité modérée, comme la marche rapide, la musculation ou l’entraînement cardiovasculaire.
  • S’appuyer sur les proches, les groupes de soutien ou les professionnels afin de ne pas rester seul face aux défis et de normaliser un parcours souvent non linéaire. Les ressources communautaires, associatives ou offertes par le réseau de la santé peuvent constituer un soutien précieux.

Maintenir des habitudes de vie en contexte de douleur chronique représente un défi réel, mais accessible. La régularité doit primer sur la performance : faire un peu, souvent, est généralement plus bénéfique que faire beaucoup, occasionnellement. En avançant graduellement, en ajustant les stratégies et en s’entourant de soutien, il est possible de préserver un quotidien actif et porteur de sens, malgré la douleur.

Chez NeuroMotrix, nos kinésiologues sont là pour vous accompagner dans ce processus. Ensemble, nous pouvons trouver des moyens adaptés à votre réalité pour que l’activité physique et les habitudes de vie deviennent des alliées dans la gestion de votre douleur.

  1.  Nijs, J., A. J. Wijma, W. Willaert, E. Huysmans, P. Mintken, R. Smeets, M. Goossens, C. P. van Wilgen, W. Van Bogaert, A. Louw, J. Cleland and M. Donaldson (2020). « Integrating Motivational Interviewing in Pain Neuroscience Education for People With Chronic Pain: A Practical Guide for Clinicians. » Phys Ther 100(5): 846–859. ↩︎
  2. Hayden, J. A., J. Ellis, R. Ogilvie, S. A. Stewart, M. K. Bagg, S. Stanojevic, T. P. Yamato and B. T. Saragiotto (2021). « Some types of exercise are more effective than others in people with chronic low back pain: a network meta-analysis. » J Physiother 67(4): 252–262. ↩︎
  3. Nevelikova, M., F. Zlamal, F. Dosbaba, J. J. Su and L. Batalik (2025). « Motivation to exercise in patients with chronic low back pain. » BMC Musculoskelet Disord 26(1): 226. ↩︎
  4. Crombez, G., C. Eccleston, S. Van Damme, J. W. Vlaeyen and P. Karoly (2012). « Fear-avoidance model of chronic pain: the next generation. » Clin J Pain 28(6): 475–483. ↩︎
  5. Gilanyi, Y. L., B. Shah, A. G. Cashin, M. T. Gibbs, J. Bellamy, R. Day, J. H. McAuley and M. D. Jones (2024). « Barriers and enablers to exercise adherence in people with nonspecific chronic low back pain: a systematic review of qualitative evidence. » Pain 165(10): 2200–2214. ↩︎