Les mécanismes derrière la douleur parkinsonienne
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Parmi les symptômes associés à la maladie de Parkinson (MP), la douleur demeure l’un des plus sous-estimés. Pourtant, entre 60 et 80 % des personnes vivant avec la MP en présentent, sous des formes très variées. Elle peut apparaître tôt, parfois même avant les premiers signes moteurs.
Au quotidien, la douleur se manifeste de multiples façons. Des douleurs au dos ou aux membres peuvent compliquer des gestes simples comme se lever d’une chaise, marcher ou effectuer des tâches ménagères. D’autres formes, comme la dystonie (crampes musculaires intenses) ou l’akathisie (impression de devoir bouger constamment), perturbent le sommeil, la concentration, la vie sociale et l’énergie.
Pour comprendre pourquoi la douleur est si fréquente, il faut revenir brièvement à son fonctionnement. La douleur est d’abord un mécanisme de protection : lorsque les récepteurs détectent une menace (entorse, inflammation, chaleur excessive), les nerfs transmettent des signaux au système nerveux central (cerveau et moelle épinière). Celui-ci interprète l’information et déclenche la réponse appropriée. Ce processus dépend de plusieurs neurotransmetteurs, dont la dopamine, la sérotonine et la noradrénaline, qui peuvent amplifier ou atténuer l’intensité ressentie.
Comment la maladie de Parkinson perturbe ces mécanismes
Dans la MP, la modulation de la douleur est altérée à différents niveaux. La diminution de dopamine, au cœur de la maladie, ne touche pas seulement le contrôle moteur : elle modifie aussi les circuits cérébraux responsables de la perception et de la régulation de la douleur.
Les recherches montrent que les personnes vivant avec la maladie présentent souvent des seuils de douleur plus bas, c’est-à-dire qu’elles ressentent la douleur plus rapidement ou plus intensément. Les voies nerveuses qui devraient diminuer les signaux douloureux deviennent moins actives, tandis que celles qui amplifient la douleur peuvent devenir plus sensibles. Les régions du cerveau liées aux émotions, au stress et à la motivation (comme l’insula et le cortex cingulaire) montrent aussi une activité altérée, ce qui contribue à rendre la douleur plus persistante et plus difficile à apaiser. 1 – 2
En plus des changements dans le système nerveux central, les symptômes moteurs, comme la rigidité, les tremblements et les anomalies posturales, ajoutent une charge mécanique sur les muscles et les articulations, générant ou accentuant la douleur musculosquelettique. 3 – 4
Classifications de la douleur dans la maladie de Parkinson
La douleur dans la maladie de Parkinson est variée, ce qui rend parfois son évaluation complexe. Les spécialistes s’appuient sur une classification en cinq grandes catégories 5 – 6:
- Douleur musculosquelettique : la plus fréquente; liée à la rigidité, aux postures anormales, la bradykinésie (lenteur des mouvements) ou la diminution de l’amplitude des mouvements.
- Douleur dystonique : crampes ou contractions musculaires involontaires, souvent en période « off » des médicaments.
- Douleur neuropathique ou radiculaire : brûlures, décharges électriques ou engourdissements dus à l’atteinte d’un nerf ou d’une racine nerveuse.
- Douleur centrale parkinsonienne : douleur mal localisée, parfois étrange ou difficile à décrire, liée à l’altération des circuits cérébraux qui traitent la douleur.
- Akathisie : inconfort interne accompagné d’un besoin irrépressible de bouger.
Identifier le type de douleur aide à orienter les interventions et évite d’attribuer systématiquement tout inconfort à la progression de la maladie.
Gestion de la douleur et rôle de l’activité physique
La prise en charge de la douleur dans la MP repose sur plusieurs stratégies : ajustements de la médication antiparkinsonienne, traitements visant la douleur neuropathique, injections de toxine botulique pour certaines dystonies, physiothérapie ou, pour certains profils, stimulation cérébrale profonde. Une combinaison d’interventions est souvent nécessaire pour cibler les différentes sources de douleur.
L’activité physique (AP) occupe une place importante dans cette approche. Elle contribue à réduire la rigidité, à améliorer la mobilité et à diminuer les tensions musculaires responsables de nombreuses douleurs 7. Les exercices en résistance renforcent les muscles posturaux, ce qui réduit la charge imposée au dos, au cou et aux épaules.
Par ailleurs, l’AP stimule plusieurs systèmes impliqués dans la modulation de la douleur. Elle permet notamment de :
- augmenter la dopamine, dont le déficit amplifie la sensibilité;
- stimuler la sérotonine et les endorphines, qui diminuent l’intensité des signaux douloureux;
- favoriser la libération d’ocytocine, aux effets apaisants et analgésiques;
- accroître la production d’adénosine, qui agit contre l’inflammation et atténue la transmission douloureuse;
- améliorer la circulation, soutenant la récupération des tissus;
- réduire l’inflammation;
- améliorer le sommeil et l’humeur, deux facteurs qui influencent directement la perception de la douleur.
Ainsi, même si l’activité physique ne cible pas toujours la cause précise de la douleur, son impact sur l’ensemble des systèmes de modulation en fait un outil essentiel dans la gestion globale de la douleur chez les personnes vivant avec la maladie de Parkinson.
- Marques, A. and C. Brefel-Courbon (2021). « Chronic pain in Parkinson’s disease: Clinical and pathophysiological aspects. » Rev Neurol (Paris) 177(4): 394–399. ↩︎
- Mostofi, A., F. Morgante, M. J. Edwards, P. Brown and E. A. C. Pereira (2021). « Pain in Parkinson’s disease and the role of the subthalamic nucleus. » Brain 144(5): 1342–1350. ↩︎
- Rana, A. Q., T. S. Khan, P. Galange, A. Khan and M. S. Yousuf (2012). « Effects of pain on activities of daily living and functioning in Parkinson’s disease patients. » Translational Neuroscience 3(4): 328–333. ↩︎
- Cattaneo, C. and W. H. Jost (2023). « Pain in Parkinson’s Disease: Pathophysiology, Classification and Treatment. » J Integr Neurosci 22(5): 132. ↩︎
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- Qureshi, A. R., M. K. Jamal, E. Rahman, D. A. Paul, Y. S. Oghli, M. T. Mulaffer, D. Qureshi, M. A. Danish and A. Q. Rana (2021). « Non-pharmacological therapies for pain management in Parkinson’s disease: A systematic review. » Acta Neurol Scand 144(2): 115–131. ↩︎