La maladie de Huntington (MH) est un trouble neurologique dégénératif rare et incurable qui touche le système nerveux central. La présence d’une mutation génétique dans l’un des allèles d’une paire de chromosomes entraîne plusieurs symptômes neurologiques. La mutation responsable de la MH est une expansion de la répétition du trinucléotide CAG (CAG : cytosine, adénine et guanine) du gène de la huntingtine sur le chromosome 4. (5) C’est une maladie génétique autosomique dominante et héréditaire, c’est-à-dire que si une personne possède la mutation, celle-ci a 50% de risques de transmettre la maladie à ses enfants. La mutation engendre une dégénérescence des neurones dans une zone du cerveau impliquée dans les fonctions motrices, cognitives et psychiques. Cette dégénérescence mène à la mort de cellules et, par conséquent, la détérioration de plusieurs structures et fonctions cérébrales.
Figure 1: Du chromosome muté à la dégénérescence du cerveau
Source: https://planet-vie.ens.fr/thematiques/sante/pathologies/la-maladie-de-huntington
- Cette maladie atteint autant les hommes que les femmes de toutes ethnicités confondues, avec une prévalence plus importante chez les Caucasiens.
- En 2017, au Canada, environ 1 individu sur 7000 est atteint de la maladie. (9)
- L’âge du diagnostic, dans la plupart des cas, est autour de 30-45 ans, mais certaines formes peuvent arriver avant 20 ans (forme juvénile) ou plus tard vers 70 ans (forme tardive).
Quels sont les symptômes ?
La maladie est caractérisée par une triade de symptômes qui sont moteurs, cognitifs et psychologiques/psychiatriques. Les troubles moteurs se manifestent par un excès de mouvements involontaires de grandes amplitudes appelés de la chorée, qui peuvent affecter grandement la coordination, l’équilibre et la précision des mouvements. Avec l’évolution de la maladie, on aperçoit aussi de la rigidité, des contractions musculaires intenses, une perte de dextérité et parfois une difficulté d’élocution. Concernant les troubles cognitifs, ils peuvent comprendre des difficultés d’attention et de concentration. Des problèmes de mémoire à court terme, d’organisation, et de jugement peuvent aussi apparaître. L’atteinte des capacités mentales peut survenir avant le début des symptômes moteurs, lesquels sont plus visibles. Finalement, des troubles de nature psychologique sont aussi fréquents. On y retrouve notamment des troubles de l’humeur tels que l’anxiété, l’apathie et la dépression. Il est important de noter que la manifestation et la sévérité des symptômes sont très variables d’une personne à l’autre et qu’ils s’aggravent à mesure que la maladie progresse. (9) La maladie de Huntington mène, dans la plupart des cas, à une perte d’autonomie importante et un déclin de la qualité de vie.
L’activité physique, une solution pour maintenir l’autonomie !
La MH produit des mouvements arythmiques, saccadés, rapides et non suppressibles qui sont involontaires ainsi qu’un ralentissement de certains mouvements volontaires, ce qui affecte la coordination et la précision des gestes. À cela s’ajoute parfois de la rigidité. Ces troubles du mouvement constituent un obstacle important dans la réalisation des activités quotidiennes et augmentent le risque de chute. C’est pourquoi des chercheurs ont étudié les effets de l’activité physique dans la MH, afin de trouver une «solution» pour ceux et celles qui doivent apprendre à vivre avec la maladie. Et les résultats sont probants, l’activité physique peut avoir un impact significatif sur la vie quotidienne et sur la santé globale. De plus, un mode de vie sain et actif permettrait de retarder l’apparition des symptômes et de ralentir la progression de la maladie. (10)
Un regroupement d’études s’est porté sur l’effet de diverses modalités d’entraînement, comme la marche, l’équilibre, l’entraînement en résistance, et en aérobie. (6) Des bienfaits sur les symptômes moteurs par une amélioration des fonctions motrices, de l’endurance et de la vitesse de marche ont été remarqués (6). Afin d’améliorer la vitesse de marche et l’endurance, l’entraînement aérobie par la pratique de la marche serait à prioriser. (3, 7) Ce type d’entraînement permet d’améliorer les capacités fonctionnelles ainsi que la mobilité, ce qui a un impact direct sur le maintien de l’autonomie. (3) L’activité physique a aussi eu un effet positif dans le maintien de l’équilibre et la confiance en ses capacités. (6) Quant aux symptômes cognitifs, l’activité physique semble avoir des résultats positifs en favorisant le maintien des acquis et en ralentissant la détérioration. Au niveau des symptômes psychiatriques, les résultats sont aussi positifs. (3) L’entraînement en groupe aurait des effets bénéfiques sur les symptômes d’anxiété et de dépression. (2, 8)
Exercices recommandés pour maintenir l’autonomie
Les recommandations en activités physiques sont les mêmes que pour les personnes n’ayant pas la MH, c’est-à-dire un minimum de 150 minutes d’activité physique à intensité modérée par semaine. (1) Évidemment, pour une personne plutôt sédentaire, cet objectif de 150 minutes d’activité physique par semaine ne peut pas être atteint du jour au lendemain, mais il est certainement possible de viser l’atteindre sur une certaine période.
Quatre grandes catégories d’exercices sont suggérées pour cibler les besoins des personnes vivants avec la MH :
Capacités cardiovasculaires : L’endurance et la vitesse de marche sont associées à l’autonomie fonctionnelle. Un entraînement spécifique à la marche en contrôlant la vitesse et l’amplitude des pas, en ajoutant des obstacles sur le trajet ou en discutant avec un ami pour stimuler les fonctions cognitives est très bénéfique. Le vélo, la danse ou la boxe sont d’autres modalités qui offrent des bénéfices sur la santé cardiovasculaire, ajoutant aussi un aspect de coordination chez les deux derniers.
Renforcement musculaire: La musculation ou l’entraînement en résistance est bénéfique pour le maintien de l’équilibre et des capacités fonctionnelles (exemple : monter un escalier avec des sacs d’épicerie). Les exercices devraient cibler les principaux groupes musculaires et les muscles impliqués dans le contrôle de la posture. Un travail en force et en endurance est recommandé. Attention ! La maladie peut altérer la perception de l’effort musculaire (force requise pour soulever un objet) et altérer la bonne exécution du mouvement. (4) Il faut donc s’assurer d’avoir une progression dans la difficulté des exercices. Plusieurs exercices avec le poids du corps peuvent être exécutés, comme par exemple des squats ou des push-ups au mur, ou soit en utilisant des élastiques ou des conserves à la maison.
Habiletés neuromotrices : Cette catégorie comprend l’équilibre, la coordination, la proprioception et la dextérité, toutes des habiletés qui sont affectées par la MH. Leur pratique est aussi associée à un meilleur contrôle dans la démarche. Un principe appelé «spécificité» en entraînement veut que l’on devienne meilleur dans ce qu’on pratique. En d’autres mots, si on veut améliorer notre équilibre, nous devons nous mettre en déséquilibre et pratiquer ! Réaliser des enchaînements de mouvements complexes, varier la position des pieds, ajouter une surface instable sous les pieds ou exécuter des exercices réactifs comme lancer une balle sont de bons moyens de pratiquer ces habiletés.
Flexibilité : La maladie peut entraîner de la rigidité. Des étirements ou du yoga sont donc conseillés afin de conserver la souplesse et l’amplitude de mouvement.
Conseils pour bouger en toute sécurité
- Il est primordial de respecter la condition physique initiale de chacun et de prendre en considération tous les symptômes qui sont très variables, afin d’adapter les exercices.
- La MH produit un excès de mouvement qui crée une grande dépense énergétique. Même au repos, la dépense énergétique peut être considérable en raison des mouvements involontaires. Il faut donc être à l’écoute de son corps et reconnaître ses limites.
- L’équilibre étant affecté dans la MH, il est important d’être dans un environnement sécuritaire avec un appui à proximité comme une chaise ou un mur, surtout lors de la pratique des habiletés neuromotrices.
- Les médicaments utilisés pour réduire la chorée et les troubles psychiatriques peuvent induire des effets secondaires comme la fatigue, des tremblements, une fréquence cardiaque plus élevée, des étourdissements, des nausées et une augmentation de la sudation. Tous ces effets peuvent aussi être associés à une pratique d’activité physique intense. Il est important d’être à l’affût de ses signaux et de les différencier afin d’ajuster l’intensité.
Références :
(1) ACSM. (2018). ACSM’s Guidelines for exercise testing and prescription. 10 e Éd. Wolters Kluwer.
(2) Carek, J. P., Laibstain, E. S. & Carek, M. S. (2011). Exercise for the treatment of depression and anxiety. he International Journal of Psychiatry i n Medicine, 41 (1), 15-28.
(3) Fritz, N. E., Rao, A. K., Kegelmeyer, D., Kloos, A., Busse, M., Hartel, L., Carrier, J., & Quinn, L. (2017). Physical Therapy and Exercise Interventions in Huntington’s Disease: A Mixed Methods Systematic Review. J Huntingtons Dis, 6(3), 217-235. https://doi.org/10.3233/jhd-170260
(4) Lafargue, G., & Sirigu, A. (2002). Sensation of effort is altered in Huntington’s disease. Neuropsychologia, 40(10), 1654–1661
(5) McColgan, P. et Tabrizi, S. J. (2018, Jan). Huntington’s disease: a clinical review. Eur J Neurol,
25(1), 24-34. doi: 10.1111/ene.13413
(6) Mueller, S. M., Petersen, J. A., & Jung, H. H. (2019). Exercise in Huntington’s Disease: Current
State and Clinical Significance. Tremor Other Hyperkinet Mov (N Y), 9, 601.
https://doi.org/10.7916/tm9j-f874
(7) Quinn, L., Kegelmeyer, D., Kloos, A., Rao, A. K., Busse, M., & Fritz, N. E. (2020). Clinical
recommendations to guide physical therapy practice for Huntington disease. Neurology, 94(5),
217-228. https://doi.org/10.1212/wnl.0000000000008887
(8) Ranjbar, E., Memari, A. H., Hafizi, S., Shayestehfar, M., Mirfazeli, F. S., & Eshghi, M. A. (2015).
Depression and Exercise: A Clinical Review and Management Guideline. Asian J Sports Med, 6(2),
e24055. https://doi.org/10.5812/asjsm.6(2)2015.24055
(9) Société Huntington du Canada. (2021). Qu’est-ce que la MH ?. https://www.huntingtonsociety.ca/language/fr/about-us-fr/
(10) Trembath, M. K., Horton, Z. A., Tippett, L., Hogg, V., Collins, V. R., Churchyard, A., Velakoulis, D., Roxburgh, R., & Delatycki, M. B. (2010). A retrospective study of the impact of lifestyle on age at onset of Huntington disease. Mov Disord, 25(10), 1444-1450. https://doi.org/10.1002/mds.23108
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