Vieillissement, hospitalisation et déconditionnement

Avec l’âge, les risques de séjourner à l’hôpital augmentent considérablement. Avec le vieillissement vient souvent une panoplie de problèmes de santé, petits et grands. D’ailleurs, les coûts de santé reliés au vieillissement le démontrent. Même si elles ne représentent que 14% de la population, les personnes âgées engendrent 45% des dépenses en santé. De plus, la plus grosse dépense dans le domaine de la santé pour la population âgée est celle liée à l’hospitalisation. En effet, le 2/3 des lits des hôpitaux sont occupés par les personnes âgées. Non seulement l’hospitalisation des personnes âgées a-t-elle un impact négatif sur l’économie d’une société, elle s’accompagne de conséquences sur la santé de la personne elle-même! Cela peut sembler paradoxal. Comment un séjour à l’hôpital qui vise à maintenir ou améliorer la santé d’une personne peut-il lui nuire? Parce que séjour à l’hôpital rime avec alitement, et qu’alitement rime avec déclin musculaire.

Des muscles qui s’atrophient et s’affaiblissent

Une étude effectuée sur des personnes en santé a démontré que 10 jours de repos au lit ont entraîné une perte de 1,5 kg (3,3 livres) de masse maigre (composée principalement de muscles) [1]. Cela est très problématique puisque les personnes âgées sont déjà dans un processus « naturel » de perte musculaire. Elles sont déjà sujettes à ce que l’on appelle la sarcopénie et la dynapénie, ce qui signifie respectivement une perte de masse et de force musculaire. Jumelez ces phénomènes à une sédentarité imposée par une hospitalisation et vous observez un déconditionnement physique important. L’hospitalisation mène à un cercle vicieux duquel il peut être difficile de sortir. Moins une personne bouge, plus sa fonction musculaire est affaiblie, ce qui réduit sa mobilité. Par conséquent, cette personne bouge encore moins et devient plus à risque d’événements indésirables tels qu’une chute ou une maladie. La plupart des personnes âgées étant moins actives physiquement que le reste de la population, le cercle vicieux commence souvent avant même une période d’hospitalisation, la sédentarité du quotidien étant en cause. Cependant, le phénomène est accéléré par une période d’immobilisation. Ainsi, après une hospitalisation, les risques de chutes et de fractures augmentent et peuvent mener à un autre épisode d’hospitalisation, avec ses effets délétères.

En restant couchées presque l’entièreté du temps, la fonction musculaire, c’est-à-dire la capacité à générer de la force, se détériore et les personnes hospitalisées augmentent leurs risques d’avoir des conséquences graves.[2] L’ampleur de la perte musculaire n’est pas uniforme d’un groupe musculaire à l’autre. C’est surtout dans les jambes et dans les muscles abdominaux que la masse se voit la plus réduite. Les gastrocnémiens (mollets) et les vastes internes (portion interne de la cuisse) sont les plus atrophiés. De surcroit, puisque le maintien de la posture et la stabilisation de la colonne vertébrale ne sont pas vraiment nécessaires dans un lit, on observe une réduction importante des abdominaux profonds, notamment les obliques internes et les transverses. La fibre musculaire la plus touchée serait celle de type 1, soit celle qui contribue le plus à l’endurance. Ces fibres se voient diminuées en nombre et en taille. Une étude de 32 jours sur le repos au lit a révélé une réduction de 23% de fibres de type 1 sur le vaste latéral (portion externe de la cuisse).  Cette perte peut certainement expliquer le manque d’énergie et la fatigue ressentis après un séjour à l’hôpital. On observe notamment une plus grande difficulté à faire des transferts, se lever d’une chaise ou sortir du lit par exemple, ainsi qu’une marche plus lente. D’ailleurs, la lenteur de la marche est un indicateur reconnu du risque de perte d’autonomie. Pour les personnes considérées comme fragiles, un séjour à l’hôpital peut être très néfaste, car elles sont plus à risque d’y ressortir avec une diminution d’autonomie.[3]

Un phénomène qui ne se limite pas à l’hospitalisation

Dans le même ordre d’idées, il est intéressant de soulever un problème grandissant associé à la vie dans les résidences pour personnes âgées. En effet, étant donné tous les services qui y sont offerts, de l’épicerie à la pharmacie en passant par la coiffure et la restauration, les personnes âgées n’ont presque plus besoin de sortir. En conséquence, leur nombre de pas quotidiens et leur mobilité baissent énormément. En voulant faciliter la vie des personnes âgées, on peut parfois leur nuire! Néanmoins, la vie en résidence pour personnes âgées comporte aussi bien des avantages, notamment l’accès à des activités physiques et la possibilité de socialiser, deux éléments essentiels à un vieillissement sain. Ce qu’il faut retenir ici, c’est que moins une personne bouge et se déplace de façon autonome, plus elle risque de perdre sa capacité à le faire.

La solution? L’activité physique

L’activité physique peut réduire les effets du vieillissement et de l’hospitalisation, mais malheureusement, on y a peu recours. En effet, près de 75% des personnes âgées hospitalisées ne marchent pas pendant leur séjour [4], alors que plusieurs d’entre elles pourraient le faire, même si c’est pour une courte durée et sous supervision. Le simple fait de maintenir un mode de vie actif, que ce soit à la maison ou à l’hôpital, peut éviter d’être pris dans le cercle vicieux de la sédentarité et de la fragilité. Considérant qu’un séjour à l’hôpital n’est jamais souhaitable, mais parfois inévitable, il importe de maintenir au maximum ses capacités en demeurant physiquement actif. Ce n’est pas facile, l’environnement hospitalier n’est certainement pas propice à la pratique d’activités physiques, mais c’est possible. Des gestes simples comme s’asseoir dans son lit, bouger souvent ses jambes et ses bras, se lever de son lit, marcher dans les corridors, se promener en fauteuil roulant, faire des assis-debout, lever des bouteilles d’eau au-dessus de sa tête, faire de la bicyclette couché dans son lit, etc. sont des mouvements accessibles pour la plupart des gens. Il suffit d’un peu de motivation et de créativité! Il a été prouvé que l’activité physique durant l’hospitalisation permet de prévenir le déclin fonctionnel. Évidemment, les exercices doivent être adaptés à la condition de la personne et pour cela, l’idéal est de faire appel à un professionnel de l’activité physique, comme un kinésiologue ou un physiothérapeute. Mais lorsque ces ressources ne sont pas disponibles, la règle de base est de rester actif en limitant les longues heures passées au lit et de bouger dans la pleine mesure de ses capacités.

Références:

[1] Kortebein, P., Symons, T.B., Ferrando, A., et al., 2008. Functional impact of 10 days of bed rest in healthy older adults. J. Gerontol. A Biol. Sci. Med. Sci. 63 (10), 1076–1081

[2] Kehler, D. S., Theou, O., & Rockwood, K. 2019. Bed rest and accelerated aging in relation to the musculoskeletal and cardiovascular systems and frailty biomarkers: A review. Experimental gerontology, 110643

[3] Brown, C.J., Williams, B.R., Woodby, L.L., Davis, L.L., Allman, R.M., 2007. Barriers to mobility during hospitalization from the perspectives of older patients and their nurses and physicians. J. Hosp. Med. 2 (5), 305–313

[4] Callen, B.L., Mahoney, J.E., Grieves, C.B., Wells, T.J., Enloe, M., 2004. Frequency of hallway ambulation by hospitalized older adults on medical units of an academic hospital. Geriatr. Nurs. 25 (4), 212–217

Commentaires





Add a comment