Peut-être que ce titre vous fait sourciller et vous y voyez un paradoxe? En effet, comment traiter une condition qui est chronique? Vous avez bien raison de vous poser cette question. À ce jour, il n’existe pas de traitement unique qui guérit la douleur chronique. Il existe plutôt des options qui permettent la gestion des symptômes de la douleur chronique. Pour alléger la lecture, nous utiliserons le terme traitement pour désigner les options qui peuvent soulager la douleur. Ainsi, cet article a pour but de vous présenter les différents traitements possibles, leurs avantages et leurs inconvénients.
Si vous n’avez pas eu l’occasion de lire le premier article de cette trilogie, nous vous suggérons de prendre quelques minutes pour le consulter ici. Cela vous permettra de comprendre les mécanismes de la douleur chronique.
À savoir : facteurs favorables
Malgré l’unicité de chaque cas de douleur chronique, les recherches scientifiques permettent de dégager quelques tendances qui peuvent être généralisées. Tout d’abord, les thérapies qui sont les plus efficaces sont celles qui permettent au patient de passer d’un rôle passif (victime du diagnostic) à un rôle actif dans son rétablissement. Les approches extrinsèques à l’individu permettent un soulagement des symptômes, mais ne permettent pas d’avancer vers un rétablissement. On entend ici tout ce qui est thérapie manuelle, médicamentation, hydrothérapie et autres. Inversement, toutes les approches qui permettent à l’individu d’agir de façon active et autonome sont celles qui ont le meilleur pronostic. On pense ici à la thérapie cognitivo-comportementale, l’activité physique adaptée et l’éducation. Ce dernier point est bien important. L’individu doit être en mesure de comprendre les mécanismes sous-jacents à sa condition afin de l’apprivoiser et de pouvoir agir. Cette série d’articles a justement pour but la transmission d’informations dans une optique de prise en charge active. Enfin, la modalité de traitements qui semble le plus efficace pour retrouver une qualité de vie est la multidisciplinarité. Il faut donc adopter plusieurs méthodes et les intégrer de manières durables dans sa vie.
Traitements pharmacologiques
Vous savez probablement qu’il n’y a pas de pilule miracle pour éradiquer la douleur chronique. Tel qu’exposé dans l’article Douleur Chronique 101, la douleur chronique est un phénomène qui se manifeste en l’absence de lésion physique, et qui résulte de multiples facteurs physiologiques, psychologiques et sociaux. Aucun médicament ne peut agir sur ces trois fronts. Par contre, dans le cas de conditions telle que la fibromyalgie, des médicaments sont souvent prescrits afin d’atténuer les symptômes qui dégradent le plus la qualité de vie de la personne. Les symptômes qui peuvent être soulagés ou atténués par la médicamentation sont : l’insomnie, les céphalées, la douleur, les troubles de l’humeur et l’anxiété, principalement. Par contre, chaque catégorie de médicaments s’accompagnent d’effets secondaires. Les tricycliques (antidépresseurs) peuvent entraîner de la constipation, une sécheresse de la bouche, des étourdissements ou des brouillards cognitifs. Les gabapentinoïdes (antiépileptiques) peuvent également causer la sécheresse de la bouche, en plus d’une augmentation de l’appétit, du gonflement des membres inférieurs, de la somnolence et des troubles de la concentration et de la mémoire. Un autre groupe d’antidépresseurs sont d’usage courant, soient les inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine (ISRS). Ce groupe de médicaments peut causer une diminution de l’appétit, des problèmes digestifs, des problèmes de sommeil (insomnie ou somnolence), de l’agitation et des maux de tête, pour ne nommer que ceux-ci.
Même si la prise de médicament est une solution accessible, les études rapportent des améliorations de la sensation de douleur et des capacités fonctionnelles allant de seulement 5 à 20% (Fitz, et al. 2021). Ces données corroborent la prémisse avancée au départ : l’individu qui est passif dans son traitement au lieu d’être un acteur de changement a moins de chance de voir une amélioration de son état.
L’activité physique adaptée comme traitement
Parmi les solutions mettant en action l’individu, l’activité physique (AP) s’avère la plus efficace. En effet, une revue de littérature colligeant les résultats de 381 études, regroupant 37 143 participants vivant avec de la douleur chronique (fibromyalgie et autres), a permis d’identifier l’AP comme ayant les bénéfices les importants sur les capacités fonctionnelles et le soulagement de la douleur, et ce devant la thérapie cognitivo-comportementale (Geneen 2017). Plus précisément, l’AP permet d’améliorer la qualité du sommeil, les symptômes d’anxiété et de dépression, l’intensité de la douleur ainsi que l’impact de la fibromyalgie dans les activités quotidiennes (Bodéré, et al, 2020). Cependant, tout comme un traitement pharmaceutique, l’AP doit être adaptée à la personne, en fonction de ses besoins, ses limites et ses capacités. Les résultats pointent vers l’activité physique de type cardiovasculaire comme étant la plus efficace pour les personnes atteintes de fibromyalgie, suivie par l’entraînement en résistance, puis par les étirements.
Le principe d’entraînement qui semble démontrer le plus d’efficacité est la progression. Peu importe l’intensité à laquelle une personne commence à s’entraîner, celle-ci doit s’assurer de maintenir une progression de son entraînement à travers le temps. En effet, une des rares études qui a été conduite à long terme a permis d’observer qu’à basse intensité et sans changement apporté au programme, les bienfaits de l’activité cardiovasculaire stagnent après un ou deux ans. Inversement, le groupe qui avait modifié et augmenté l’intensité de son programme a vu les bienfaits de l’AP s’accroître tout au long des cinq années qu’a duré cette étude.
C’est sans doute parce qu’elle touche toutes les sphères du fonctionnement de l’organisme que l’activité physique adaptée a un impact aussi grand sur la fibromyalgie et les autres conditions de santé menant à des symptômes de douleur chronique. Physiologiquement, l’activité physique permet de produire et relâcher dans le corps les hormones dites “du bonheur”. La dopamine active le circuit de la récompense et produit un sentiment de satisfaction personnelle. Les endorphines sont sécrétées en réponse à un stress (oui, l’AP est un stress, mais un stress calculé et bénéfique) pour se protéger en créant une sensation de bien-être et en diminuant l’anxiété, la douleur et la fatigue. Psychologiquement, l’AP permet de développer un sentiment d’auto-efficacité, c’est-à-dire la conviction d’avoir les compétences nécessaires pour produire un résultat certain (Meyer et Verlhiac, 2004). Et socialement, l’AP peut permettre de renouer des liens ou d’en créer de nouveaux. L’activité physique en groupe est tout aussi bénéfique, sinon plus, que celle pratiquée en solo. En effet, les activités physiques de groupe ont démontré une meilleure adhésion à l’AP, mais cela reste une question de goût et d’intérêt. Et finalement, l’activité physique, en améliorant la condition physique, peut aussi permettre à l’individu de réintégrer certains cercles sociaux (sortir marcher avec des amis, accompagner un.e conjoint.e en vélo, jouer avec des enfants, etc.).
L’activité physique : par où commencer
Tout le monde a une relation différente avec l’activité physique. Plusieurs personnes n’ont jamais été encouragées à en pratiquer, certains l’ont essayée et ont été marqués négativement, et d’autres se crispent au simple fait de s’imaginer essoufflés. Inversement, une grande majorité de gens qui l’essaie, l’adopte pour tous les bénéfices déjà mentionnés. Si vous faites partie du premier groupe (et même du deuxième!), il se peut que vous ayez besoin d’encadrement pour cerner vos forces et vos faiblesses, comprendre par où commencer pour atteindre vos objectifs, et mettre en place des outils pour faire de votre nouvelle initiative une habitude au quotidien. Sachez que si vous souhaitez discuter de votre situation personnelle avec un kinésiologue, vous pouvez prendre contact avec notre équipe à tout moment ici. Lisez aussi le prochain article de cette trilogie qui portera sur les méthodes d’organisation et de motivation afin d’adopter et maintenir de bonnes habitudes en activité physique!
Texte rédigé par : Mathilde Lessard, kinésiologue chez NeuroMotrix
Texte révisé par : Martine Lauzé, co-fondatrice et kinésiologue chez NeuroMotrix
Bibliographie
Meyer, T. & Verlhiac, J. (2004). Auto-efficacité : quelle contribution aux modèles de prédiction de l’exposition aux risques et de la préservation de la santé ?. Savoirs, , 117-134. https://doi.org/10.3917/savo.hs01.0117
Geneen, L. J., Moore, R. A., Clarke, C., Martin, D., Colvin, L. A., & Smith, B. H. (2017). Physical activity and exercise for chronic pain in adults: an overview of Cochrane Reviews. The Cochrane database of systematic reviews, 4(4), CD011279. https://doi.org/10.1002/14651858.CD011279.pub3
Cohen, S. P., Vase, L., & Hooten, W. M. (2021). Chronic pain: an update on burden, best practices, and new advances. Lancet (London, England), 397(10289), 2082–2097. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(21)00393-7
Fitzcharles, M.-A., Cohen, S. P., Clauw, D. J., Littlejohn, G., Usui, C., & Häuser, W. (2021). Nociplastic pain: towards an understanding of prevalent pain conditions. The Lancet, 397(10289), 2098–2110. doi:10.1016/s0140-6736(21)00392-5
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